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Visite du haut fourneau de Ougrée
ArcelorMittal

15 octobre 2008

Les photos de ce jour où mon rêve s'est réalisé


15 octobre - En route donc - Ouverture de la gueule du haut fourneau -
Il n'y a plus qu'émotion, beauté - 3 mai 2009 : Pierre - les photos de Pierre

L'arrêt du haut-fourneau B : la descente de charge et vidange du loup


13h15 : Jean-Pierre et moi, nous arrivons chez ArcelorMittal (« vous suivez la route vers Flémalle ! » Nous avons voulu voir Flémalle, mais nous avons vu Seraing !) et nous y retrouvons les jeunes étudiants en communication, que Pascal nous présente, ses élèves, avec qui nous allons partager une visite exceptionnelle : un haut fourneau et la coulée de fonte lorsque le haut fourneau s'ouvrira. Et ensuite une ligne « à froid ».

Après dix minutes de franche rigolade à essayer, puis à enfiler nos tenues de chantier, (pantalons, vestes toutes trop grandes, trop larges.....), godillots (mon « 38 » flottant dans la plus petites des tailles, heureuse que j’étais d’avoir pensé prendre mes grosses chaussettes !) et casques compris (Waouw ! Ze casque orange là dis-donc ! Où est Elvis Pompillo ? Au secours !!!), nous nous engouffrons dans trois voitures et ... Cap sur la journée la plus forte en émotion qui se puisse vivre !

Arrivée au four nr 6, le tout nouveau, le dernier construit, l’orgueil et la fierté à nous présenter, notre guide, notre mentor, Paulino, nous apprend que nous ne pourrons pas le visiter : un petit problème s'est produit la nuit dernière et le haut fourneau est à l'arrêt. Qu'à cela ne tienne, Paulino le Magicien d’Oz nous annonce que nous aurons donc une chance fabuleuse d'aller à Ougrée, où nous serons bien plus près de la coulée qu'au nr 6 !

Pierre m'explique que :
Le haut-fourneau 6 de Seraing a en fait été construit le premier , en 1957 .  Le haut-fourneau B d'Ougrée a été construit en 1962.

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En route donc !

Nous nous séparons en deux groupes pour prendre l'ascenseur... Je fais partie de la seconde fournée et bien entendu, nous nous bloquons deux fois entre deux étages.... Pas de panique, n'est-ce pas ! Même pas peur...... C’est où qu’il est le bouton d’appel au secours ? Y marche pas les GSM ici ?

Visite du Poste de Pilotage : sur les écrans s'affichent les coordonnées de pilotage du haut fourneau et la surveillance par caméras de sa bouche, celle d’où les coulées de fonte s'explosent d’étincelles et de magma dans les canaux destinés à trier la fonte et le laitier.

Paulino nous explique les différents écrans, les graphiques, la surveillance 24h sur 24. Ce centre vital où deux opérateurs surveillent le haut fourneau.

Pierre m'explique que :
Les opérateurs ont généralement une formation de chimiste.

Un des ingénieurs nous prévient : « Vous pouvez descendre : la coulée se fera dans 10 minutes ». Le coeur bat, c'est le moment que j'attends depuis.... depuis 1968 et ce fameux cours de chimie donné à l'école normal sur les hauts fourneaux.

En route à travers escaliers et couloirs endimanchés de nos tenues spéciales !

Au passage, Paulino nous explique les tuyères, les cheminées, à quoi tout ce qui nus entoure sert. Les wagons «Torpilles ou Thermos ou encore poches" contiennent environ 125 tonnes de fonte liquide, qui recueilleront la fonte en fusion juste en-dessous de leur coulée hors du haut fourneau. Il nous explique que pour avoir la bonne température dans le haut fourneau il faut injecter de l'air chaud via les d'énormes cheminées dans lesquelles l'air se met à la température nécessaire.

Paulino nous donne des instructions très sévères, à respecter à la lettre, afin d'assurer notre sécurité, et donc aussi celle de nos hôtes là au pied du haut fourneau, à quelques mètres de la bouche, de la gueule qui s'ouvrira pour libérer l'enfer ! C’est souvent une question de vie ou de mort.

La machine destinée à faire sauter le bouchon de sortie de la fonte s'ébranle et se met en position.

Le Maître fondeur m'explique que si le sol est encore jonché de scorilles, c'est que pendant la nuit la coulée s'est mal passée : elle était trop froide et donc, les dangers d'explosion étaient réels. D'où l'obligation pour les ouvriers de nettoyer, racler, déboucher, recreuser les canaux d'évacuation et de tri.

Il m'explique que si la température du métal en fusion est soit trop chaude, soit trop froide, il y a danger : si la coulée est trop froide, le laitier qui surnage (il est de densité plus légère que la fonte et donc surnage) est de couleur noire. Si la coulée est trop chaude, le laitier est de couleur blanche. Le risque est que le bouchon qui ferme la gueule du haut fourneau se referme (température trop froide) et qu'il faut « jouer » avec l'injection d'air chaud dans le haut fourneau.

Pierre m'explique que :
En fait , la température de la fonte dépend de plusieurs choses : la qualité des matières chargées dans le haut-fourneau , de la mise au mille de ces matières et de la façon dont ces matières descendent dans la cuve du haut-fourneau. la température idéale , c'est aux environs de 1480 degrés. Les variations de température surviennent après un arrêt , ou un problème technique. Les variations de température surviennent après un arrêt , ou un problème technique. Quand la température chute sous 1400 degrés , c'est là qu'on a le plus de boulot. Le laitier ne coule pas , il roule comme du flan et il se fige avant d'arriver au chenal de granulation. Pour tourner comme une horloge , un haut-fourneau doit toujours fonctionner à sa vitesse maximum. Les hauts-fourneaux Liégeois produisent un peu plus de 5000 tonnes/jour. Pour tourner comme une horloge , un haut-fourneau doit toujours fonctionner à sa vitesse maximum. Le haut-fourneau B d'Ougrée a battu un record avec plus de 6000 tonnes sur une journée. Il a été le meilleur haut-fourneau du groupe Arcelor-Mittal pendant 6 mois en 2007.

Il me dit qu'il n'y a jamais deux coulées semblables, que le danger est toujours présent et que si la coulée se présente mal, nous devrons évacuer « fissa » !

Je lui explique que ses explications me passionnent, je suis émue, que cette visite, c’est fêter notre 10ème anniversaire de mariage...

Tout d'un coup le « madame » de la conversation devient : « Je vais te faire un cadeau : lorsque la coulée sera bien sortie, je te ferai une petite pièce en souvenir : cadeau pour toi et j'essaierai de te créer un objet au départ d'un peu de fonte. Je ne réussi pas toujours à faire quelque chose, mais, je te fais cadeau. »..... Bon, ben, moi, j'ai comme de l'eau au coin de mes yeux...... Il m'a eue, touchée, la Myriam !

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Le moment arrive !
La gueule du haut fourneau va s'ouvrir !

En position : le bouchon va sauter ! Attention, il va y avoir beaucoup d'étincelles, comme un feu d'artifice géant ! Ça va péter dans tous les sens ! Parfois cela va plus loin que prévu et suave qui peut alors ! Si c'est trop fort, faudra évacuer ! Avant, il faut regarder les canaux qui serviront à trier le laitier de la fonte en fusion. Paulino nous explique que le laitier est plus léger et donc surnage. Au premier embranchement de canal, il va s'y engouffrer, le suivant recueillera la fonte; mais il y a encore du laitier ! Donc à l’embranchement de canal suivant, le laitier s'en va encore de son côté et la fonte cherche le canal suivant, etc... Donc, de séparation en séparation, il ne restera plus que la fonte à s'écouler dans les wagons-fusées.

Il commence à faire chaud ! Et tout d'un coup : ça y est ! Le bouchon saute, la gueule s'ouvre sur l'enfer, le magma sort en jets d'étincelles et de feu liquide.... Zut : la coulée est un peu trop froide et le bouchon se refait ! Danger... La machine doit à nouveau entrer en action pour refaire l'ouverture (dans le temps, ce n'était pas une machine, mais les ouvriers, des femmes et des enfants parfois, qui devaient descendre et ouvrir le bouchon). Dans le temps, il n’y avait pas de machines, il n’y avait que l’homme...

Cette fois c'est la bonne et le feu de l'enfer peut enfin s’exploser en jaillissements crépitant, de lumières blanches à force d’être de feu !... C'est infiniment beau, violent, extraordinaire... Je crispe mon doigt sur le bouton « prise de vues en rafale » de mon appareil de photos..... Il coule quelque chose du coin de mes yeux....

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Il n'y a pas de mots
Il n'y a que beauté, violence, puissance, émotion........


Je vais regarder cette lave de fonte en fusion couler dans le wagon-fusée; je me prends le pied dans un bête tuyau qui traîne bêtement là par terre, dans le noir, juste au-dessus du regard de contrôle de la coulée dans le wagon-fusée et je me dis que si je tombe, jamais je n'aurai le temps de dire que je préfère la viande cuite « bleue » !!!!! Mais je regarde, fascinée par la beauté du spectacle... Cette marmite où blube à grosses bulles une matière qui n’est ni métal, ni liquide, mais en devenir... Une image de volcan, une odeur prononcée de souffre.... A jamais, cette odeur restera liée en moi à ce spectacle dantesque de début ou de fin de monde...

Las, il est temps de retourner dans ce monde de réalité, remonter, retrouver les humains, quitter le Maître du Feu, l’Homme-feu, le Magicien d’Oz.... serrant dans ma main, au fond de la poche démesurée de ma tenue d’ouvrier, MA petite pièce de fonte.... La grande, la matérialisation du feu liquide, est dans les mains de Jean-Pierre...

Il nous faut quitter la Forge de Vulcain, remercier ces Hommes de feu, du feu, en feu de leur accueil, de cette infinie gentillesse, passion à partager avec les « autres », ceux, pauvres béotiens, qui ne connaissent du feu que sa matérialisation, la flamme d’une allumette, ou d’une gazinnière. Qui ne connaissent d'étincelles que celles des feux de Bengal, des feux d’artifices de fond de jardin.... Qui ignorent tout d’une alchimie cosmique, universelle, d’une alchimie qui rend intouchables, un peu sorciers, ces Hommes qui transmutent, qui jouent une « magie de matière »....

La suite du programme nous a conduit à nous émerveiller devant la coulée à froid, la galvanisation, ces immenses rubans s’enroulant, se déroulant, s'effilant, dans une débauche, une hystérie, un hurlement de rage, de douleur, de plaisir orgasmique, en danses filées, danse du ventre, de cette matière découverte flamboyante dans son état de fusion et qui, rubans d’acier qui s’effile, s’aplatit, deviendra boîtes, frigos, voitures, baignoires.... Qui se parera des couleurs que l’humain attribue à l’arc-en-ciel pour le plus grand bonheur de ses yeux.

« Pas de photos ! Pas de photos » ! Donc, mes yeux prennent le relais du clic-clac numérique ! Et la cervelle de Madame, celui du disque dur de Pécé de Myriam....

Un monde, une galaxie, une civilisation séparent le Haut fourneau de cette usine « propre sur elle », mais qui résonne de tant d’alertes, de sirènes, de claquements, de froissements, de frôlements, de panneaux indiquant « Ici, un mort dans telle usine : il s’est fait écraser dans les rouleaux ».... « Tenez la rampe » quand bien vous oseriez sortir des chemins battus, je veux dire du sillon entouré de peinture jaune, notre fil d’Ariane, et oser tenter l’escalade d’une escalier. De « Procédures à suivre en cas d’éclaboussures de tel produit » tellement toxique, mordant... que même le panneau semble se digérer sous le nom de l’acide ! Et j’en oublie.

Mais quelle usine ! Une poignée d’hommes pour diriger tant d’équipes de vrais robots ! Un clone de jeu Meccano futuriste, mais oh combien passionnant, fascinant tel un Cobra sa proie, étrange, un rien désincarné, comme déshumanisé.. Quel contraste avec l’ambiance, les couleurs, les odeurs, le peu de bruits (!?) comparé à celle-ci de belle usine remplie de fracas, de tonnerres, de coups de marteau (pas pour faire redémarrer la machine, comme mon sens de l’humour tout aussi caustique que les liquides glougloutant des cuves me l’a fait suggérer à un Paulino effaré) destinés à vérifier la qualité, la tenue de la soudure entre deux rubans, deux frontières de rubans d’acier...

Je ressens une très nette préférence pour l’autre monde, le monde du Feu, de la Fusion, ce monde de Hadès, ou un Vulcain si humain officie une liturgie solaire. Cette aristocratie du monde souterrain, les « Métallos »....


Comment peut-on remercier réellement, à la juste hauteur, avec seulement de pauvres mots, quelques photos, pâles substituts d’une réalité au combien impossible à immortaliser en instants figés, Pascal qui a rendu mon rêve de tant d’années réel... Et Paulino qui tout au long de cette incroyable journée nous a partagé connaissance et passion métallurgique. Et encore Pascal tout au long de ses explications à ses élèves.... Et ce Maître fondeur qui m’a touchée par le partage de sa passion pour un métier, mais est-ce vraiment un métier, qui est sa vie... Et qui me rempli de tellement d’admiration ?


Post Scriptum : C’est quand que je peux revenir au haut fourneau ???????????

Je regarde ma petite pièce : elle s’oxyde un peu; on y voit une forme, un serpentin, rougissante, comme si le Feu vivait encore en son coeur....

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Le 3 mai 2009...

J'ouvre ma BAL. Un message m'y attend. Pierre m'écrit et je suis touchée par ce qu'il dit. Il me donne l'adresse de son blog et l'autorisation d'en donner ici l'adresse :

http://haut-fourneau06.skyrock.com/

Merci Pierre pour m'avoir aidée à corriger mon article, de l'avoir complété. Votre confiance me touche. Votre blog est splendide. Il faut le lire pour y apprendre la passion pour les hauts fourneaux que vous aimez tant partager.

Merci également pour vos splendides photos que vous m'autorisez également à faire paraître ici.

Les photos de Pierre.

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18 - 19 mai 2009 : arrêt du haut-fourneau B
la descente de charge - Vidange du loup

Article écrit par Pierre

L'arrêt du haut-fourneau B a été reporté du 15 au 19 suite à la grève de lundi et mardi.
La descente de charge (la vidange de la cuve) se fait le 18 et la vidange du loup le 19  (le loup c'est la quantité de fonte qui reste dans le fond du creuset, environ 350 tonnes).

Clic sur la photo pour l'agrandire


La descente de charge est une manoeuvre assez dangereuse.
Normalement , un haut-fourneau est chargé continuellement. Donc la cuve est toujours pleine de matière. Si mes souvenirs sont bons la cuve fait 1700 mètres cubes.
Lors de la descente de charge, le chargement est arrêté  et au fur et à mesure que le niveau de matière descend , la cuve se remplit de gaz.
Les opérateurs doivent faire attention à ne pas dépasser environ 10 % d'hydrogène (sinon il y a des risques d'explosion).

Quelques photos du temps où le Haut Fourneau fonctionnait.
(Clic sur les photos pour les agrandir).

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Mise à jour le : 23-Mai-2009 11:13